samedi 15 mai 2010

Le premier principe, le second principe Serge Bramly, Le livre de poche



Sur le thème éternel des apparences et du réel, Serge Bramly a réussi avec le premier principe, le second principe (titre un peu pompeux emprunté à la thermodynamique, sans grand intérêt ici) un bon roman d'espionnage. 700 pages difficiles à résumer de peur de déflorer le plaisir du (futur) lecteur. C'est la rencontre fortuite sous le pont de l'Alma d'une princesse d'un paparazi et des services secrets, sur fond de ventes d'armes à l'Iran sous les septennats d'un président de la république socialiste.
Le grand talent de Bramly provient de sa manière d'utiliser les images dont nous sommes rassasiés pour nourrir son intrigue. Ainsi tout commence par le récit d'une jeune femme accidentée de la route, un récit d'une soixantaine de pages, d'abord très intrigant, puis peu à peu le lecteur croît reconnaître la situation, jusqu'au moment où il recolle cette histoire avec l'Histoire.
Déjà, Bramly est revenu en arrière, à un mariage princier quelques années plus tôt, à un événement planétaire en mondiovision, auxquels assitent forcément, tous les protagonistes de son livre, aussi bien Max le photographe que l'agent qu'on appelait dominique, Monsieur Joyeux un trafiquant d'armes et les frères Azzam, sans oublier l'étrange narrateur et un membre du cabinet d'un jeune ministre socialiste prometteur...
Tout est dit dès ce moment. Derrière les images officielles d'un bonheur mis en scène, tout le monde sait maintenant que la vérité était tout autre. La mariée était d'autant plus belle que le glamour du conte de fée était factice. Pour Bramly, l'Histoire obéit à cette règle invariable. Plus nous voyons des images, moins nous savons.. La société du spectacle est une société du mensonge permanent. Nous vivons dans un décor d'opérette, tandis qu'ailleurs se nouent des alliances aux conséquences autrement plus tragiques qu'une mésalliance, fût-elle royale.
Roman d'espionage certes, mais aussi analyse de caractère. Il ne faut pas s'attendre en lisant ce roman à voir des camions exploser, assister à des tueries toutes les trois pages façon grand spectacle hollywoodien. Chez Bramly, la cruauté est écoeurante et éprouvante pour le lecteur : le récit d'une vengeance africaine et d'un règlement de comptes sur fond de guerre yougoslave sont d'un naturalisme frissonnant loin de toutes les esthétisations de la violence guerrière que le cinéma nous offre. Plus subtilement, le livre raconte un monde finalement très plat. Au fil des 700 pages, le suspense est ténu, Bramly s'attachant surtout à nous narrer comment les personnages finissent par arriver là.. sous un tunnel où ils n'auraient pourtant jamais dû se trouver. Encore une fois, sans rien dévoiler, le retournement final est excellent, et le personnage de l'espion sinologue qui mène la troisième partie de l'intrigue est un personnage véritablement attachant.
Ce n'est pas un turning page à l'anglo saxonne, c'est bien plus que ça : un vrai roman avec des personnages. Toutes ressemblances avec des personnages....

A propos de la photo : sur les lieux du mur de berlin, monument comémorant la mort du premier habitant de l'est ayant voulu passé à l'ouest clandestinement.
Photo modifiée : une boite à biscuit commémorant un mariage princier...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire