jeudi 30 décembre 2010

Sessions de rattrapage



Commençons par le moins bon, ou par le moins fait pour moi : kaltenburg de marcel beyer chez Métaillé. ce roman allemand est incontestablement ambitieux, raconter l'histoire de l'Allemagne en écrivant la vie inventée de Kaltenburg, un ornithologue. De facture classique, le roman a la bonne idée de faire raconter l'histoire par un disciple du maître qui l'a connu enfant. c'est l'anti livre coup de poing. tout est souterrain, à peine murmuré, c'est un livre assez silencieux, qui raconte l'histoire de l'Allemagne de 1930 à nos jours. Les événements politiques (nazisme, hitlérisme, communisme) sont plus suggérés que décrits par le menu. L'auteur excelle a décrire des vies étouffés sous le poids de la politique ou les horreurs de la guerre.
Le personnage principal m'a fait penser à konrad lorenz et présente pour moi un inconvénient majeur : il est zoologue, s'intéreses au monde animal. Or je crois que je n'ai jamais tenu plus de 2 minutes devant un documentaire animalier. Cela a rendu ma lecture du livre un peu difficile, en dépit de ces incontestables qualités littéraires et de son talent pour raconter l'histoire de biais, qui m'a beaucoup plu.


Deux livres dont on a eu raison d'écrire beaucoup de bien :
Indignation de Philip Roth chez Gallimardd. De Roth, je préfère Pastorale américaine à la tâche et je trouve qu'indignation est plus rpoche du premier que du second. c'est un roman bref, Roth est un vieux monsieur malade je crois. Dans les années 50, Marcus, un jeune homme qui vient d'avoir l'équivalent du bac étouffe dans sa famille, son père ayant été pris d'une sorte de sur protection pour cet enfant unique. Il est vrai qu'il est juif et que la famille du héros a payé un lourd tribut à l'histoire, des cousins morts en Europe pendant la guerre. Et le danger de la guerre de Corée plane. Marcus fuie donc sa famille et part pour une université de province, bien réac. Et à partir de là, les catastrophes vont s'accumuler. On retrouve le talent de Roth, notamment pour décrire la vie de famille, avec le père boucher (on pense à la famille de tanneurs dans pastorale américaine). l'écriture est précise, le roman plutôt bien compris : la visite de la mère de marcus à l'hôpital est un grand moment. On pense aussi au film de kazan, la fièvre dans le sang (notamment pour les aventures amoureuses de marcus avec une jeune fille). Reste que l'évolution du héros est peut être un peu rapide et le roman se termine un peu vite. EN même temps cela lui donne des allures de conte philosophique. On y découvre aussi le combat pour la laïcité outre Atlantique...
Purge de Sofi Oksanen aux éditions du Seuil est un premier roman très réussi. Soit la rencontre entre deux femmes l'une jeune et l'autre pas. La première arrive dans le jardin de la seconde durant une nuit. L'intrigue se déroule en Estonie et les deux femmes ne sont pas si inconnues l'une à l'autre qu'il semblait en premier lieu. La construction est très maîtrisée, alternant les époques, retraçant là aussi l'histoire politique de ce pays balte devenu république soviétique après avoir été envahi par les troupes nazies. Autant dire, des terres marquées par les tragédies de l'Histoire qui déchirèrent aussi des familles. Roman historique, Purge est aussi un roman d'amour impossible, difficile à lâcher tant le sens du suspense de l'auteur est grand. Si ce sont les hommes qui font les guerres, les femmes en sont aussi les victimes. c'est ce que montre ce roman.

Le temps matériel de Giogio Vasta (Gallimard) est sûrement le roman le plus important de l'année que j'ai lu. C'est aussi un premier roman, et la maîtrise de l'auteur est impressionnante. Naples années 70 pendant ce qu'on appelle les années de plomb où le terrorisme d'extrême gauche. Une bande de gamins plus ou moins fasciné par les terroristes monte une sorte de gang et entreprend de réaliser des actions. D'abord potaches, l'escalade les conduit à commettre un crime, dont la description est un des pires cauchemars éveillés qu'il m'a été donné de lire.
IL est vrai que dès le début du roman la cruauté est là : les sévices imposées à un vieux chat par le narrateur indiquent qu'on n'est pas dans un monde où l'enfance est douceur et innocence.
Il montre aussi la révolte d'enfants face aux mensonges des adultes, au sentiment d'irréalité du monde quand les mots n'ont plus de sens. Le temps matériel est un roman qui parle du langage, de son lien avec la politique ou le corps, encore une fois de la difficulté à faire coincider monde intérieur et monde extérieur par le langage (le trio d'enfants inventera son langage à lui, où le corps se fait signifiant), tandis que le héros tombe amoureux d'une jeune fille muette, donc au delà des mensonges des mots.
"j'avais envie d'être coupable.
C'est un mot qui me plaît coupable" Même si je n'ai jamais le courage de l'être".
Car le temps matériel est surtout un style, poétique des images cauchemardesques par moments. Naples y fait figure d'un enfer terrestre, une ville accablée de châleur,délabrée..
Un roman qui se termine par ses mots, et les 355 pages mènent à cette splendeur : "Dnas le silence de cette dernière minute, penché sur le corps penché de mon amour, de mon amour sans mémoire, de mon amour réel et inventé, de mon amour créole, créé, j'éocute le bourdonnement futur de la matière qui mêle en moi et en elle les étoiles aux os, le sans à la lumière, le bruit que fait la transformation infinie de la maitère en douleur et de la douleur en temps.
Et c'est seulement maintenant, quand les étoiles éclatent en pleine obscurité, dans l'élaboration de notre nuit, qu'après les mots viennent enfin les larmes".
Un livre difficile pour bons lecteurs, dont j'aimerai pouvoir parler mieux.

dimanche 12 décembre 2010

2010, l'année où les goncourt ont raté Fabrice Humbert


On a beaucoup dit que le jury goncourt ne pouvait pas rater houellebecq cette année, obsédé par l'obscur écrivain qui l'emportât l'année ou Proust publiait je ne sais plus quelle tome de la recherche ou malraux la condition humaine. c'est le même baratin que pour les impressionnistes, le chantage à la postérité qui oblige tout le monde à vanter la première installation venue de peur d'être moqué plus tard. je prends le pari qu'on dira plus tard que les goncourt ont préféré un inconnu qui s'appelle houellebecq, oubliant au passage le grand roman de Fabrice Humber, la fortune de sila.
Car n'en déplaise aux nouveaux monsieur Omais de la critique littéraire (j'ai lu que beigbeider ou yann moix, qu'importe lequel au fond, l'un et l'autre pérorent sur le talent des autres pour mieux masquer qu'ils n'en ont pas avait écrit que "houellebecq était notre balzac, et même que balzac fut notre houellebecq". c'est dire l'état de la critique littéraire !).
la fortune de Sila avait tout pour ne pas être primé. D'abord c'est un bon livre. ensuite c'est un livre ambitieux. et pour ne rien arranger c'est un roman classique sans partouze. Rien de bling bling ni d'ostentatoire, non juste un grand roman. ou à partir d'un incident dans un palace parisien - l'agression d'un serveur noir par un homme d'affaire yankee - l'auteur décrit les nouveaux maitres du monde, du trader ambitieux à l'oligarque russe en passant par les subprimes et l'africain venu chercher refuge au nord.
C'est le contraire du roman à thèse. Pour humbert, les maîtres du monde (en fait les serviteurs du véritable maître qu'est l'argent, une histoire au moins vieille comme balzac, enfin houellebecq ou beigbeider, à moins que ce ne soit moix) sont des êtres brisés. Le propos n'est jamais manichéen. Parmi le quintet de personnages principaux, le couple formé par Mathieu et Simon est parmi les plus réussis. les deux amis, parisiens, qui connaitront l'ivresse des sommets et certaines profondeurs renouvellent le couple Lucien de Rubempré, Rastignac.
a noter aussi les très beaux personnages féminins, notamment la femme d'un entrepreneur de Floride et la femme professeur de français, femme de l'oligarque russe. une figure de la résistance de la culture face à la barbarie de l'argent roi particulièrement réussie.
Croyez moi 2010 restera l'année où les Goncourt ont raté Fabrice Humbert.

PS : cette même année, fabrice humbert a eu le renaudot du livre de poche (et oui ça existe) pour l'origine de la violence

Sessions de rattapage (suite)

Quelques impressions sur des ouvrages lus récemment (le blog reprendra sa forme normale après) je parle ici DE TRES BONS livres mais je n'ai pas le temps de faire plus

Dans le secret de Jérôme Ferrari (actes sud) réussit à faire dans un livre ce que Christophe Honoré a raté à mon avis dans "non ma fille tu n'iras pas dansé". A travers le destin de deux frères, l'un séducteur invétéré, l'autre dépressif aboulique, il raconte l'histoire de l'insconscient local, corse en l'occurence, ou comment la vie de chacun est marqué par les légendes qu'on lui a narrées, d'une histoire remontant au 16 e siècle à celle d'un aieul chassé par une sorte de bandit racketteur ou encore de ces ancêtres partis à paris et que l'on a rapatriés pour les enterrer sur l'île. le tout dans une langue poétique et précise. Un livre qui raconte une histoire contemporaine. les héros sont fatigués

Des éclairs de Jean Echenoz est ce qu'on appelle un petit bijou, l'histoire de Gregor, l'inventeur du courant alternatif notamment. et il n'y a pas que le courant qui l'était. sa vie en dents de scie alterne succès d'un inventeur génial et malheurs d'un pitoyable homme d'affaires qui n'aura jamais la fortune que ses inventions pourraient lui donner. Gregor aime les oiseaux et passe sa vie dans les chambres d'hôtels, accumule les tocs... tout l'art de conteur d'echenoz est là, avec cet humour particulier

session de rattrappage


beaucoup de travail, beaucoup de livres pour le prix cultura du web et de chorniques de la rentrée littéraire, et puis l'automne qui s'étire, la neige qui tombe, la pagaille qui n'est pas.. enfin bon, je ne vais pas remplacer catherine laborde
juste signaler quelques critiques publiés sur le site chroniques de la rentrée littéraire:
Sous un ciel qui s'écaille de Goran Petovi - une très belle métaphore de la yougoslave à travers la description d'un cinéma - c'est ici..
Libres jeunes et assoupis de romain monnery - un premier roman intéressant, drôle, inspiré de l'univers des séries télé- c'est là

Et puis, un livre que je n'ai pas beaucoup aimé, mais dont la critique a été très discuté, j'ai dû passer à côté, ça arrive : nous étions des êtres vivants ce sera ici aussi

Et deux mots sur deux lectures qui commencent à remonter que je n'ai chroniqué nulle part

Féroces de Robert Goolrick aux éditions anne carrère m'a fortement déplu. Pendant les deux tiers du livre, il y a quelque chose de fort dans cette manière qu'a l'auteur d'abimer peu à peu l'image de la famille parfaite qui est la sienne. tout commence dans la bonne société du sud des Etats Unis.. mais un terrible secret ronge la famille de l'intérieur. la description de cette décomposition est plutôt réussie. Le dernier tiers m'a en revanche beaucoup moins convaincu. et les deux dernièes pages sont assez choquantes. on retrouve là un des problèmes des narrations à la première personne. quelqu'un qui raconte aujourd'hui son passé n'attendrait pas les dernières pages pour révéler le secret de la famille. Y'a quelque chose d'obsène à faire du suspense avec l'inceste. et dans le pathos le livre n'évite pas un certain nombre de clichés (l'enfant violé qui devient auto destructeur, incapable d'aimer..)

Plus réussi, beaucoup beaucoup plus réussi Comme personne d'Hugo Hamilton chez Phébus. là aussi un secret de famille. A la fin de la seconde guerre mondiale, une mère dont l'enfant est mort va remplacer cet enfant par un orphelin "trouvé" qui reprendra le prénom de l'enfant disparu, Grégor. c'est la vie de Grégor le second que raconte Hugo Hamilton. Peu à peu, il découvre la vérité, ou plutôt cherche à s'en approcher, sans être jamais sûr de la trouver. A travers la vie de cet enfant, c'est l'histoire de l'Allemagne que raconte Hamilton aussi, alternant scènes de la fin de la guerre et scènes contemporaines dans une Allemagne apparament réunifiée. L'enchevêtrement des souvenirs et des générations est subliment construits, l'auteur passant d'un chapitre à l'autre, d'une période à l'an de façon subtile avec un art savant du montage comme disent les critiques. Un très beaux romans accessibles à tous..

potiche n'est pas cruche

Rien à ajouter sur la géniale catherine deneuve ou l'immense depardieu. Le propre du génie c'est qu'on ne s'en lasse jamais.
Le film d'Ozon me semble devoir retenir l'attention pour ce qu'il fait si bien derrière la légèreté de la pièce de boulevard très futile. Car ce qu'Ozon réussit magnifiquement c'est à mêler le rire "potiche" à une nostalgie qui prendrait presqu'à la gorge. Depardieu et deneuve, le couple mythique du cinéma français se retrouve, le temps a passé, on connaît la vie de l'un, on imagine celle de l'autre. l'un se brûle dès qu'on lui tend un micro, l'autre protège tellement sa vie.. et pourtant, le temps passe, nous dit ozon, et si la vie est belle, s'il est bon de rire, n'oublions jamais le tragique de tout ça. deneuve ni personne n'aura plus jamais vingt ans.
filmer le temps qui passe, la nostalgie de ce qui a été, sans sombrer dans un pathos facile, mieux, en faisant rire de ce passé de pacotille comme le sera demain notre présent qui se croit tellement mieux est la plus belle réussite de François Ozon.