vendredi 30 juillet 2010

Le dernier roi d'angkor Jean Luc Coatalem Grasset

Cela fait longtemps que je tourne autour de cet auteur, que je feuillette ces livres que ce que lis sur lui me donne envie de le lire et en même temps quelque chose me retient. Avec le dernier roi d'Angkor, j'ai franchi le pas.

Le dernier roi d'Angkor c'est Bouk, aussi appelé Louis Noël, un enfant à peine plus vieux que le narrateur. Dans les années 60 70, le grand père a pris sous son aile cet orphelin qui passait ses dimanches avec cette famille de la fin de semaine avant de rejoindre un orphelinat peu attirant.
Que les amateurs de récit passe leur chemin. Il n'y en a pas ou si peu ici (le coup de théâtre final est un des trucs les plus bâclés que j'ai jamais lu, en termes d'intrigue. Ne le reprochons pas à Coatalem, ce n'est pas son propos ici. Le récit tient plutôt de cet autre genre que j'appellerai la déambulation poétique, l'évocation d'un monde disparu, soit l'enfance du narrateur.. la vie d'avant, celle où tout était encore possible quand, comme l'écrit l'auteur, "nous étions tombé entre les pages d'un livre merveilleux qui nous élargissait", où "toutes ces histoires nous contenaient". C'est ce qu'il écrit à propos de la mythologie familiale.
Après une rupture amoureuse, résultant de la stérilité du couple (coatalem écrit de très belles pages à ce propos), l'envie de retrouver celui qui a disparu (car Bouk a disparu se fait fort).. Commence la recherche avec des accents quasi à la Modiano (la visite d'un témoin de l'époque aux portes de Paris), même si les styles d'écriture n'ont rien à voir. Disons le, c'est ce qui m'a le plus gêné, cette écriture trop "littéraire" pour moi, surtout au début, cette volonté de produire de l'image à tout prix. un exemple au hasard : "sous le dôme des marronniers, je déchiffrai la mort rieuse sur son visage". c'est incontestablement très beau, mais trop travaillé à mon goût. Cela ressort plus de l'effet que du style. (A cet égard, ce n'est sûrement pas un hasard si mon cinéaste préféré est Mankiewicz qui considérait que le meilleur style était celui qui ne voit pas). Ce n'est sûrement pas un hasard non plus si le roman de Coatalem cite à plusieurs reprises Wong Kar Wai qui me semble être le contraire absolu de cet idéal mankewien. Pour être complètement juste, Coatalem n'écrit pas toujours de cette façon un peu ampoulée... son écriture est le plus souvent classique dans le meilleur sens du terme.

Pour retrouver Bouk, le narrateur va donc entamer des démarches tomber amoureux d'une jeune asiatique (les pages sur leur passion sont très bonnes, l'obsession de la passion étant décrite avec très peu de mots et d'effets justement), aller à Angkor, ce qui nous vaut de savantes digressions sur le devenir des civilisations, l'obsession et la nécessité du souvenir de Bouk pour le narrateur ou de la conservation des ruines pour les archéologues sur place.... jusqu'au retournement final et à une jolie rencontre dans un avion. Car c'est un des mérites de ce livre qui suit le flot de la mémoire : la progression surprend en permanence du début à la fin..

jeudi 29 juillet 2010

Spin Robert Charles Wilson Folio SF


La science fiction n'est pas mon univers naturel, c'est sûrement un des premiers livres de ce genre que je lis. Et pour le coup je me suis laissé influencé par un bandeau de l'éditeur indiquant que l'auteur avait obtenu un quelconque prix, chose que je ne ferai jamais pour la littérature classique, ayant peu de confiance dans les prix.. Reste que c'est un indicateur comme un autre quand on aborde un continent inconnu..

Le spin c'est une membrane qui apparaît entre la Terre et le reste de l'univers un soir d'été, alors que les héros du livre ne sont encore que des adolescents. Ils sont trois : le narrateur Tyler Dupree et les jumeaux Diane et jason Lawton. Le trio est lié car le père de l'un et des autres étaient eux mêmes amis, avant que l'un d'eux ne meure.
Mais revenons au Spin une sorte de membrame posée là par des hypothétiques (une forme d'intelligence supérieure) et qui a pour particularité de décaler la vitesse d'écoulement du temps sur terre et dans le reste de l'univers. Alors que le temps continue de passer comme aujourd'hui sur la Terre, sa vitesse s'accroît formidablement dans le reste de l'univers, de sorte que la fin du soleil qui est prévu dans quelques milliards d'années en temps terrestre, devient une perspective prévisible dans une vie d'homme (je ne sais pas si je suis clair).. En résumé, si rien n'est fait, la fin du monde est proche !
Sauf que Jason un brillant scientifique soutenu par son père, un homme apparament sans affect avide de pouvoir, vont créer une agence spatiale qui compte profiter du décalage temporel pour produire une vie humaine sur mars... la suite...

Disons le net : j'ai retrouvé un plaisir enfantin devant cette histoire formidablement construite et racontée. Wilson n'est peut être pas le plus grand styliste du monde, il y a des redites parfois pénibles (un lecteur se souvient de ce qu'on lui a dit trois pages plus tôt non ? ) et la fin être un peu trop longue à mon goût, c'est le bonheur des livres d'aventures que l'on retrouve ici. Et des meilleurs. Car en parlant de ce futur proche où le Spin est menaçant, c'est d'un monde assez proche du nôtre dont il est question (le futur décrit dans le livre n'est pas fondamentalement différent du nôtre). Mieux encore, plus que l'intrigue de SF proprement dite, le roman est passionnant par les relations qu'il tisse entre les personnages et ce sur deux générations.
L'étrange lien entre le narrateur et Jason ou entre Jason et son père (encore un fils qui veut prendre la place du père.. allo Oedipe ?) sont le vrai moteur du livre.. C'est un très bon roman psychologique, avec même une histoire d'amour qui en cache une autre. Juste un exemple, au cours du récit Jason est atteint d'une maladie incurable qui menace sa vie. POur le scientifique qui veut comprendre ce qui se passe, la perspective de mourir (alors que c'est le destin de l'ensemble de la Terre) devient insupportable, le renvoyant à la condition humaine. Et sans dire un mot de plus, le récit de sa très extra ordinaire agonie est très réussie. L'homme de sciences mourant en sachant tout ce qu'il a toujours voulu savoir..
Construit en alternant un récit au temps présent, où le narrateur en fuite a des problèmes de santé et prépare son évasion avec la jumelle Diane, et un autre au passé à l'époque où le Spin est arrivé, la progression de l'intrigue est parfaite, les élémens du présent et du passé s'éclairant mutuellement.
Dernier point : le livre est aussi une méditation sur la conduite des hommes face à un danger plus grand qu'un. les deux jumeaux incarnent les deux réponses possibles : quand Jason choisit la science et l'envie de comprendre, sa soeur se réfugie dans de nouveaux cultes qui voient dans la fin annoncée des temps la réalisation des promesses messianiques. L'auteur choisit son camp, en faveur de la Science..
et puis il faudrait parler d'un personnage étrange qui apparaît à mi roman, mais ce serait vous révéler une information qui réduirait votre plaisir de lecture.
Brassant de nombreux thèmes, sans trop utiliser de jargons, Spin est le meilleur divertissement que je conçois pour un été.

La cité sans murailles Tobias Hill Ed Rivages


De Tobias Hill, j'avais lu le premier roman le cryptographe qui m'avait valu la peine de l'interviewer, honneur d'autant plus grand que c'était le premier écrivain que j'interrogeais (si on excepte un portrait jamais paru de Pascal Morin, mais c'est une autre histoire).
Je voulais donc lire son second roman dès qu' il a paru, et puis le temps tout ça... et c'est plus d'un an après sa sortie que je publie ce billet. On retrouve d'emblée tout ce qui j'avais aimé le premier : son goût du détail, son style très précis, son sens de la nature. Tobias Hill c'est d'abord un ton, la capacité à créer une atmosphère, en l'espèce inquiétante, quand le cryptographe était plutôt dans la nostalgie. L'histoire ? Celle d'un jeune archéologue britannique qui quitte tout pour partir en Grèce, le pays qu'il a étudié, où il échoue dans un restaurant de la banlieue d'Athènes. Ben Mercer (c'est son nom) y rencontre bientôt une figure de sa vie d'avant, un camarade d'Oxford venu en Grèce pour des fouilles à Sparte avec une bande cosmopolite et improbable. POurtant, ce groupe paraît soudé et Ben fasciné par la cité sans murailles (Sparte) rejoint le groupe où il peine à faire sa place...
Peu à peu, pourtant, il découvre que l'archéologie n'est pas le seul ciment des uns et des autres.

Sur un canevas de film à spectacle que pourrait faire Hollywood, Tobias Hill écrit un livre à la façon de Rosselini, prenant son temps, pour installer l'intrigue et les personnages, notamment celui du narrateur, aussi looser que le héros du cryptographe était l'incarnation de l'homme à qui tout réussi.
Ben Mercer étant un spécialiste de Sparte, le texte alterne chapitres au présent et thèse sur la cité spartiate, notamment sur ses mystéres (la puissante cité ayant finalement laissé peu de traces de son passé). Outre le plaisir d'une intrigue fascinante, le livre permet à tous ceux qui comme moi ne connaissent pas l'histoire greque d'apprendre... Sans oublier les étonnantes correspondances entre les époques...