dimanche 16 janvier 2011

L'Hystéricon Christophe Bigot Gallimard

Un très bon divertissement qui m'a fait penser à Benaquista, notamment son roman où deux personnages échangeaient leur vie.

Le roman est un dispositif comme on dit dans l'art contemporain, ou un concept comme on dit dans la téléréalité.
Dix étudiants sont coincés dans une maison de famille d'un des personnages. ils ne se connaissent pas très bien, devaient rester le temps des vacances, mais une grève générale coince les 10 plus longtemps que prévu. Jason, le petit fils de la propriétaire de la maison, un intello sensible qui a des lettres, pour occuper la vacuité de ses hôtes décide que chaque soir l'on se racontera une histoire, comme on le faisait du temps de Marguerite de Navarre.
Aller retour entre la fiction et la réalité, chacun raconte une histoire pour essayer, qui de séduire, qui de reconquérir un amour perdu.. Le reste du temps, c'est marivaudage des enfants du Loft.

La mauvaise habitude d'être soi de Martin Page et Quentin Faucompré Editions de l'Olivier

POur la deuxième année consécutive, je commence l'année avec un texte de Martin Page. après la disparition de Paris et sa renaissance à Paris l'an dernier, voici La mauvaise habitude d'être soi, un recueil de nouvelles, ayant toutes des titres aussi délicieux que celui là. Si martin Page a un génie, c'est bien celui des titres. Juste un exemple : une des nouvelles s'appelle "le monde est une tentative de meurtre". Hermétique dit comme ça, sauf qu'une fois la nouvelle lue, le titre s'impose comme une évidence. c'est la façon de martin page, cette façon de créer du mystère, de décaler un totu petit peu la logique de notre monde pour entrer dans une autre dimension, qui finalement nous parle surtout du monde où nous vivons. "Les gens ne supportent pas que l'on vive différemment, surtout si l'on s'offre qu'ils s'interdisent" écrit un des personnages qui prend la décision de vivre à l'intérieur de lui même, littéralement.
Comme dans la disparition de Paris... tout est vraisemblable dans ce roman (le cadre, les personnages, tout est très proche de nous) à un petit truc qui cloche.. Ainsi dans la première nouvelle, un policier sonne à la porte du narrateur pour lui révéler qu'il vient d'être victime d'un meurtre, en un mot qu'il est mort. Et le policier de deviser avec la victime.. étonnant non ?
Dans une autre nouvelle, peut être la plus cruelle, un homme découvre un jour qu'il n'est pas un homo sapiens comme les autres, mais qu'il appartient à une autre espèce animale.. et le voilà classé et protégé. une singularité qui devient un enfer, les sauveteurs de l'espèce animale étant peut être les pires de tous. Dans une autre nouvelle, c'est une ville qui voit tous les animaux fuir les uns après les autres. dans un autre texte, un homme passe une sorte d'entretien d'embauche pour devenir coupable, employant tous les moyens pour convaincre le juge qu'il doit être coupable.
Chez Page, l'enfer c'est d'abord d'être soi même, semble nous dire Martin Page au fil de ces nouvelles très réussies, la forme courte est particulièrement maîtrisée, notamment les chutes inattendues et singulières, rajoutant encore du mystère.
Les dessins de Quentin Faucompré illustrent merveilleusement bien le texte, apportant une pointe de singularité avec une ligne claire étrangement familière.

Les trois saisons de la rage Victor Cohen Hadria Albin Michel

voilà un excellent roman que je n'aurai pas lu sans le conseil d'un libraire où il m'arrive d'aller.
pour tout dire l'histoire d'un médecin de campagne dans la normandie du 19e sicèle n'a vraiment rien pour me passionner.. sauf que l'auteur a su écrire un roman historique très moderne, loin du côté reconstitution précieuse qui m'éloigne souvent de ce genre de romans.
Première réussite : le roman raconte plusieurs histoires à la fois, tout en constituant un tout très réussi. A commencer par le prologue et l'épilogue, soit l'histoire de la fille du héros qui découvre les deux autres parties qui constituent le roman. En une vingtaine de pages, il fait exister un personnage et éclaire le reste du récit. très bien réussi.
Second récit : la correspondance du docteur Le Coeur (!!) et du médecin militaire Rochambaut. Ce dernier compte parmi les recrues un jeune homme Brutus qui vient du canton où Le Coeur exerce son art... Brutus étant analphabète demande au médecin millitaire d'écrire à sa place à sa famille en passant par Le Coeur qui servira d'intermédiaire. S'en suit une histoire digne de Maupassant, terriblement glaque mais raconté sans pathos. L'auteur en profite pour tisser un début d'histoire entre les deux médecins qui s'éclaire dans la troisième partie : qui est le journal d'un médecin de campagne le docteur le coeur, humaniste et progressiste-l'auteur montre très bien ce qu'était ce 19e siècle positiviste et scientiste. Le Coeur court donc la campagne soigne les corps, écoute les âmes et panse les paies. les femmes meurent en couche, les hommes meurent parfois des malédictions des sorciers, en tout cas les prennent sufisamement au sérieux pour craindre d'en périr...
Le roman est d'abord celui de la Raison de Le coeur, qui consigne dans son journal non seulement la vie du canton, mais aussi et surtout ses amours et ses espoirs, ses théories sur la sexualité bridée qui donnerait la rage (celle que pasteur a soigné avec un vaccin)... car si on pense on baise beaucoup aussi dans ce roman, fait de chair. comme le médecin qui soigne les corps avec son cerveau. Le Coeur est un peu le représentant du lecteur. il observe et cherche à comprendre.
Enfin, il y a le style de l'auteur, qui rend tout cela très vivant et incarné : c'est plus qu'un livre, c'est une machine à remonter le temps.

Divines amours de Michael Bracewell

Pauvre Bracewell, Jonhattan Coe est sur le même créneau que lui et il y réussit tellement mieux, ne pouvais je m'empêcher en lisant ce très agréables divines amours. c'est sûrement injuste. on est en présence d'un livre à moitié réussi ou raté selon qu'on est ou pas optimiste (ou pessimiste, on écrit pessimiste ou optimiste justement en fonction de ce qu'on est ou pas soi même). Les livres moyens sont peut être les plus intéressants car on cherche ce qui leur manque, le petit plus qu'il leur faudrait pour emporter une adhésion plus entière.
Ce n'est pas une question de propos : celui là est plutôt décapant et original. Là où tous les romans nous laissent souvent croire que le mariage vient couronner une belle histoire d'amour, ici le mariage final est comme la consécration de tous les ratages affectifs des personnages. Soit le parfait Miles Harrier, un gars de la haute, pas vraiment à son aise dans le monde des sentiments, et qui oscille entre un trio féminin : Kelly l'artiste conceptuelle juste dérangé comme il faut, Lucinda, la fille moderne comme il faut et Stellin l'icône mannequin.. Ce que je viens de faire est un signe, tentant de résumer le livre, j'en oublie le pendant gay. car Bracewell a voulu montrer que le couple, gay ou hétéro, est sans issue. C'est peut être ça qui ne marche pas dans le livre. Autant chaque partie en soi est intéressante (l'hétéro est plus réussie, notamment grâce à ce personnage de Miles ou à un événement que je ne raconterai pas, mais qui a un effet certain sur le trio de femmes) l'imbrication des deux histoires n'est pas très intéressante. On regrette à la lecture que Bracewell n'est pas fait plutôt un diptyque, ou écrit un roman en deux parties.
Côté style, c'est très humour anglais, comme ça a tendance à m'énerver, la manie du bon mot toutes les trois lignes mais l'air de ne pas y toucher.. le côté oscar wilde, trois mots de soi disant esprit au paragraphe n'est pas ce que je préfère en littérature.. Le roman se passant à la fin des années 70 au début des années 80 la reconstitution est réussie. Reste deux mystères :
1 pourquoi l'auteur est obsédé par les sacs en plastique. a le lire on a l'impression qu'à londres tout le monde avait un sac à plastique à la main
2 pourquoi je n'arrive pas à dire plus nettement pourquoi malgré tout ce que je viens d'écrire, il y a quelque chose que j'aime beaucoup dans ce livre ?